1
Ô mon Dieu! dispose encore de moi, toujours. À jamais! À jamais!
2
Ce qui provint feu de Toi provient eau de moi; qu'en conséquence Ton Esprit s'empare de moi, ce afin que ma dextre décoche la foudre.
3
Voyageant à travers l'espace, je vis la ruée de deux galaxies, donnant de la tète l'une contre l'autre et s'encornant tels des taureaux sur terre. J'eus peur.
4
Elles cessèrent alors de se battre et s'attaquèrent à moi, et je fus cruellement écrasé et déchiré.
5
J'aurais préféré ètre piétiné par le Monde-Êléphant.
6
Ô mon Dieu ! Tu es ma petite tortue chérie !
7
Et cependant Tu supportes le Monde-Éléphant.
8
Je rampe sous Ta carapace, comme un amoureux dans le lit de sa belle; je m'y insinue et vient siéger dans Ton coeur, y bénéficiant de toute la chaleur et de tout le confort possibles.
9
Tu m'abrites, que je n'entende point le barrissement de ce Monde-Éléphant.
10
Tu n'es pas digne d'une obole dans l'agora; et cependant l'Univers tout entier ne saurait suffire à payer Ta rançon.
11
Tu es semblable à une magnifique esclave Nubienne, appuyant sa pourpre nue contre les vertes colonnes de marbre au-dessus du bain.
12
Du vin gicle de ses noirs mamelons.
13
Je bus du vin lors de mon bref passage à la demeure de Pertinax. L'échanson me favorisa, et me servit le Chian sucré qui convenait.
14
Il y avait un garçon dorique, expert en tours de force, un athlète. La pleine lune en colère prit la fuite, descendit rejoindre le goémon.
Ah ! mais nous rîmes.
15
J'étais pernicieusement ivre, Ô mon Dieu ! Et cependant Pertinax m'amena à la fète nuptiale.
16
J'avais une couronne d'épines pour toute dot.
17
Tu es telle la corne d'un bouc d'Astor, Ô Toi Dieu mien, noueux, déjeté, et diablement dur.
18
Plus froid que toute la glace de tous les glaciers de la Montagne Nue était le vin qu'elle me versa.
19
Une contrée sauvage et une lune décroissante.
Des nuages qui galopent dans le ciel.
Une enceinte de pinèdes, et plus loin une autre d'ifs de haute taille. Toi au milieu !
20
Ô vous tous chats et crapauds, réjouissez-vous ! Vous, créatures visqueuses, venez ici !
21
Dansez, dansez en l'honneur du Seigneur notre Dieu !
22
Il est lui ! Il est lui ! Il est lui !
23
Pourquoi devrais-je continuer ?
24
Pourquoi ? Pourquoi ? soudain le caquetage d'un million de diablotins issus de l'enfer.
25
Et les rires se multiplient.
26
Mais n'écoeurent point l'Univers; mais n'ébranlent point les étoiles.
27
Dieu ! comme je T'aime !
28
Je marche dans un asile; tous les hommes et toutes les femmes qui m'environnent sont insanes.
29
Oh folie ! folie ! folie ! comme tu es désirable !
30
Mais je T'aime, Ô Dieu !
31
Ces hommes et ces femmes délirent et poussent des hurlements; ils écument de folie.
32
Je commence à prendre peur. Je n'ai aucune prise; je suis seul. Seul. Seul.
33
Songe, Ô Dieu, comme je suis heureux en Ton amour.
34
Ô Pan de marbre ! Ô visage perfide aux regards lubriques ! J'aime Tes noirs baisers, ensanglantés et puants! Ô Pan de marbre ! Tes baisers sont pareils aux rayons solaires sur Égée la bleue; leur sang est le sang du soleil se couchant sur Athènes; leur puanteur est comme une Roseraie de Macédoine.
35
Je rèvais de soleil couchant et de roses et de vins; Tu étais là, Ô mon Dieu, Tu T'étais habillé en courtisane Athénienne, et je T'aimai.
36
Tu n'es pas un rève, Ô Toi qui est trop beau pour la veille comme pour le sommeil !
37
Je disperse le peuple insane de la terre; j'arpente seul le jardin en compagnie de mes petites marionnettes.
38
Je suis d'une taille Gargantuesque; cette galaxie-là n'est que l'anneau de fumée de mon encens.
39
Brùle-Toi d'étranges herbes, Ô Dieu !
40
Garçons, brassez-moi un spiritueux magique qui doive tout Ô vos oeillades !
41
C'est l'àme mème qui est soùle.
42
Tu es ivre, Ô mon Dieu, de mes baisers.
43
L'Univers titube; Tes yeux se sont posés sur lui.
44
Deux fois, et tout est fini.
45
Viens, Ô mon Dieu, et étreignons-nous !
46
Paresseusement, avidement, ardemment, patiemment; ainsi oeuvrerai-je.
49
Je suis fou de T'aimer; Tu es cruel, Tu Te refuses.
50
Viens à moi de suite ! Je T'aime ! Je T'aime !
51
Ô mon aimé, mon aimé - Embrasse-moi ! Embrasse-moi ! Ah ! encore.
52
Sommeil, emporte-moi ! Mort, emporte-moi ! Cette vie est trop pleine; cela fait mal, cela tue, cela suffit.
53
Laisse-moi revenir au monde; oui, revenir au monde.