1
Tu étais une prêtresse, Ô mon Dieu, parmi les Druides; et nous savions les pouvoirs du chêne.
2
Nous nous fîmes un Temple de pierres en la forme de l'Univers, égal comme tu l'arasas ouvertement et moi à l'abri des regards.
3
Là nous accomplîmes nombre de prodiges à la minuit.
4
Nous oeuvrions durant la lune décroissante.
5
De la plaine nous parvenait l'atroce complainte des loups.
6
Nous répondîmes; nous chassâmes avec la meute.
7
Nous allâmes même jusqu'à pénétrer la neuve Chapelle et Tu emportas le Saint Graal sous Tes vêtements de Druide.
8
En secret et à la dérobée nous bûmes du sacrement qui imprègne.
9
Un terrible mal s'abattit alors sur les habitants de la morne contrée; et nous nous réjouîmes.
10
Ô mon Dieu, déguise Ta gloire!
11
Viens comme un voleur, et emparons-nous en catimini des Sacrements!
12
Dans nos futaies, dans nos cellules monastiques, dans notre bienheureux rayon de miel, buvons, buvons!
13
Il s'agit du vin qui imprègne tout de la véritable teinture d'or infaillible.
14
De profonds secrets résident dans ces chants. Il ne suffit pas d'entendre l'oiseau; il faut l'être pour goûter le chant.
15
Je suis l'oiseau, et Tu es mon chant, Ô mon superbe Dieu lancé au galop!
16
Tu serres la bride aux étoiles; tu conduis les constellations par rangs de sept dans le cirque du Néant.
18
Je joue de ma harpe; Tu affrontes les bêtes et les flammes.
19
Tu Te réjouis de la musique et Moi du combat.
20
Toi et Moi sommes chéris de l'Empereur.
21
Vois ! il nous a convoqués à l'estrade Impériale.
La nuit tombe; il y a grande orgie d'adoration et de béatitude.
22
La nuit tombe telle une cape étoilée s'échappant des épaules d'un prince pour échoir à un esclave.
23
Se lève un homme libre!
24
Jette, Ô prophète, la cape sur ces esclaves!
25
Une grande nuit, et de rares feux en son sein; mais la liberté pour l'esclave qui sa gloire embrassera.
26
Et alors moi aussi je descendis jusqu'à la grande cité triste.
27
Et là Messaline morte troquait sa couronne contre le poison de Locuste éteinte; là demeurait Caligula frappant les mers de l'oubli.
28
Qui étais-Tu, Ô César, pour reconnaître Dieu dans un cheval ?
29
Car vois ! nous contemplâmes le Blanc Destrier du Saxon gravé sur la terre; et nous contemplâmes les Chevaux de la Mer qui flamboient autour de la vieille et morne contrée, et l'écume de leurs naseaux nous illumine !
30
Ah ! mais c'est que je t'aime, Dieu !
31
Tu es semblable à la lune régnant sur un monde de glace.
32
Tu es semblable à l'aurore des neiges éternelles se levant sur les plaines brûlées de la patrie du tigre.
33
Je T'adore et par le silence et par la parole.
34
Mais tout est en vain.
35
Seuls Ton silence et Ta parole qui m'adorent sont de quelque aide.
36
Lamentez-vous, Ô vous gens de la morne contrée, car nous avons bu votre vin et ne vous avons laissé que la lie acerbe.
37
À partir de celle-ci nous vous distillerons néanmoins une liqueur surpassant le nectar des Dieux.
38
Notre teinture vaut bien un monde d'Êpice et d'or.
39
Car notre poudre rouge de projection dépasse toutes les limites du possible.
40
Il y a peu d'hommes; ils suffisent.
41
Nous serons envahis d'échansons, et le vin coule à volonté.
42
Oh là mon Dieu ! quel festin Tu as prévu.
43
Contemple les lumières et les fleurs et les jouvencelles!
44
Goûte les vins, les mets de choix et les viandes magnifiques!
45
Hume les parfums et les nuées de petits dieux semblables à des dryades habitant les narines !
46
Ressens dans tout ton corps le glorieux satiné du marbre frais et la généreuse chaleur du soleil et des esclaves !
47
Que l'Invisible imprègne toute la dévorante Lumière de sa tumultueuse vigueur !
48
Oui ! le monde entier est déchiré en deux tel un vieil arbre morne que frappe la foudre !
49
Venez, Ô vous Dieux, et festoyons.
50
Toi, Ô mon aimé, Ô mon perpétuel Dieu-Passereau, ma joie, mon désir, mon fourbe, pose-Toi sur ma dextre pour y gazouiller !
51
C'était le récit des souvenirs d'Al A'in le prêtre; oui, d'Al A'in le prêtre.