1
Par la combustion de l'encens la Parole fut-elle révélée, et par la drogue lointaine.
2
Ô farine, miel, huile ! Ô magnifique pavillon de la lune, qu'elle arbore au centre de la béatitude!
3
Ils défont les bandelettes du cadavre; ils débandent les pieds d'Osiris, afin que le Dieu ardent sévisse dans tout le firmament, armé de sa formidable lance.
4
Mais de pur marbre noir est la statue chagrine, et l'immuable douleur de son regard est amère pour l'aveugle.
5
Nous comprenons l'extase de ce marbre bouleversé, déchiré par les affres de l'enfant couronné, la verge d'or du Dieu d'or.
6
Nous savons pourquoi tout est caché dans la pierre, dans le cercueil, dans le grandiose sépulcre, et nous aussi répondons Olalám ! Imál ! Tutùlu ! comme il est écrit dans l'ancien livre.
7
Trois mots de ce livre sont comme la vie pour un nouvel éon; aucun dieu ne l'a lu entièrement.
8
Mais Toi et Moi, Ô Dieu, l'avons écrit page après page.
9
Nôtre est l'endécatuple lecture de l'Endécatuple parole.
10
Ces sept lettres ensemble composent divers mots; chaque mot est divin, et sept phrases y sont cachées.
11
Tu es le Verbe, Ô mon aimé, mon seigneur, mon maître!
12
Ah ! viens à moi, allie le feu à l'eau, tout se dissoudra.
13
Je T'attends en dormant, en m'éveillant. Je ne T'invoque plus; car Tu es en moi, Ô Toi qui fis de moi un bel instrument accordé sur Ton extase.
14
Bien que Tu existes toujours séparément, de même que Moi.
15
Je me souviens d'un certain jour sacré lors du crépuscule de l'année, du crépuscule de l'Êquinoxe d'Osiris, lorsque pour la première fois je Te contemplai clairement; lorsque pour la première fois fut tranchée la terrible question; lorsque Celui à tête d'Ibis apaisa la lutte par enchantement.
16
Je me souviens de Ton premier baiser tout comme s'en souviendrait une vierge. Nul autre ne se tenait dans les sombres chemins de traverse : Tes baisers demeurent.
17
Nul autre que Toi dans tout l'Univers d'Amour.
18
Mon Dieu, je T'aime, Ô Toi bouc aux cornes dorées!
19
Toi splendide taureau d'Apis ! Toi splendide serpent d'Apep ! Toi splendide enfant de la Déesse Fertile!
20
Tu T'es agitée dans Ton sommeil, Ô antique douleur des ans ! Tu as dressé Ta tête pour frapper, et tout est dissous dans l'Abîme de Gloire.
21
Un terme aux lettres des mots ! Un terme au discours septuple!
22
Fonds-moi toute cette merveille dans l'image d'un chameau vif et décharné arpentant le désert.
23
Il est seul, et abominable; il a néanmoins remporté la couronne.
24
Oh ! réjouis-toi! réjouis-toi!
25
Mon Dieu ! Ô mon Dieu ! je ne suis qu'un atome dans la poussière stellaire des siècles; je suis le Maître du Secret des Choses.
26
Je suis le Révélateur et l'Apprêteur. Mienne est l'Êpée - et la Mitre et la Baguette Ailée!
27
Je suis l'Initiateur et le Destructeur. Mien est le Globe - et l'Oiseau Bennou et le Lotus d'Isis ma fille!
28
Je suis Celui par-delà tous ceux-là; et j'arbore les symboles des puissantes ténèbres.
29
Il y aura un sceau qui sera comme un vaste océan de mort qui couve, avec une flamme centrale de ténèbres, irradiant sa nuit sur tout.
30
Cela dévorera ces ténèbres moindres.
31
Mais dans ces profondeurs, qui répondra : Qu'est-ce ?
34
Viens, cessons de raisonner ensemble; réjouissons-nous ! Soyons nous-mêmes, silencieux, uniques, à part.
35
Ô bois solitaires du monde ! Dans quelles alcôves dissimulerez-vous notre amour ?
36
La forêt des lances du Très-Haut est nommée Nuit, et Hadès, et Jour du Courroux; mais je suis Son capitaine, et je porte Sa coupe.
37
Ne me craignez point, moi et mes lanciers ! Ils tueront les démons de leurs petits fourchons. Vous serez libres.
38
Ah, esclaves ! vous ne voulez point - vous ne savez comment vouloir.
39
La musique de mes lances constituera néanmoins un chant de liberté.
40
Un grand oiseau surgira de l'Abîme de Joie et vous emportera pour que mes échansons vous deveniez.
41
Viens, Ô mon Dieu, en une dernière extase opérons l'Union avec le Multiple !
42
Dans le silence des Choses, dans la Nuit des Forces, au-delà du domaine maudit du Trois, jouissons de notre amour !
43
Mon amour ! Mon amour ! loin, bien au-delà de l'Assemblée et de la Loi et de l'Illumination, dans une Anarchie de Solitude et de Ténèbres !
44
Car par là même devons-nous masquer l'éclat de notre Personne.
45
Mon amour ! Mon amour !
46
Ô mon Dieu, c'est que l'amour en Moi fait sauter les barrières de l'Espace comme du Temps; mon amour est répandu parmi ceux qui n'aiment pas l'amour.
47
Mon vin est versé pour ceux qui jamais ne goûtèrent au vin.
48
Ses vapeurs les enivreront et la vigueur de mon amour de leurs vierges engendrera de puissants rejetons.
49
Oui ! sans gorgée, sans étreinte : et la Voix répondit Oui ! ces choses seront.
50
Je cherchai alors une Parole pour Moi-Même; voire pour moi-même.
51
Et la Parole vint : Ô Toi ! cela est bien. Ne prends garde à rien ! Je T'aime ! Je T'aime !
52
Aussi eus-je foi en la fin de tout; oui, en la fin de tout.